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Danse avec les vivants : comment découvrir son héritage transgénérationnel

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Interview
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Danse avec les vivants : comment découvrir son héritage transgénérationnel

Bonjour Annie, pouvez-vous nous parler de vous et de votre parcours en tant qu'écrivaine ?

L’écriture est ma manière d’être au monde depuis l’enfance, longtemps dans l’ombre. Écrire, c’est fuir le monde réel pour vivre dans celui que je crée. Comme des mandalas, je jetais mes manuscrits une fois terminés. Vers quarante ans, j’ai surmonté ma peur d’être rejetée et montré un manuscrit. Depuis, j’ai publié une dizaine de romans de fiction ou historiques. Les personnages sont toujours des archétypes qui parlent de nous.
J’ai commencé d’écrire Danse avec les vivants pour moi, c’était une manière de me protéger. Mais je sais bien que chaque témoignage parle à l’universel qui permet aux lecteurs d’explorer leurs propres racines. Il fallait qu’il soit publié.

Comment avez-vous découvert le concept de la psychologie transgénérationnelle et en quoi cela résonne-t-il avec votre propre histoire ?

Le temps de confinement a été le déclencheur. Je vivais seule, je me trouvais isolée pour la première fois. L’ancrage en moi-même m’était difficile avec cette conscience profonde d’être issue d’un clan familial pathologique. C’est là que j’ai mis en lumière l’importance d’être une enfant de remplacement : je suis née un an après la mort de jumeaux.
J’ai alors lu des essais sur le transgénérationnel et les blessures émotionnelles, sujets qui sont largement développés par certains médecins depuis le début du 20è siècle. J’ai échangé avec une relation sur les modalités de réalisation d’un génosociogramme. Grâce à l’observation des répétitions, des dates, à la matérialisation des relations intrafamiliales, j’ai répondu peu à peu à des questionnements que j’avais depuis l’enfance.

Dans 'Danse avec les vivants', comment Amélie Louis explore-t-elle les secrets familiaux et leurs impacts sur les générations suivantes ? Pouvez-vous nous donner un aperçu sans trop dévoiler le contenu du livre ?

J’ai choisi la forme romanesque car je crois à l’effet miroir que provoque l’empathie avec les personnages. Leur histoire, délivrée comme une confidence, vibre en nous. Elle porte une énergie particulière, crée un lien émotionnel qui libère des carcans d’injonctions du mental et peut provoquer un déclic.
Le lecteur découvre la lignée maternelle puis la lignée paternelle. Chacune des familles compte des mariages arrangés, un abandon, des victimes de guerre, des morts d’enfants, autant d’évènements marquants qui deviennent des non-dits ou des secrets.
Voici comment la petite qui vient au monde est chargée implicitement par tout un clan familial, de consoler et de remplacer.

En tant qu'écrivaine, quelle a été la partie la plus difficile de l'écriture de ce livre et pourquoi ?

Je me posais sans cesse la question « Es-tu juste ? ». Le témoignage partagé n’est utile à d’autres que s’il est présenté en responsable de son chemin de vie et non en victime ou en juge. Je ne voulais pas donner de leçon mais proposer un éclairage, une expérience dont ont peut faire une opportunité.

Pensez-vous que chacun de nous porte un héritage familial qui influence notre vie quotidienne ? Pouvez-vous partager un exemple personnel où vous avez ressenti cet impact ?

Certains évènements marquants se transforment en non-dits ou en secrets – par exemple, un suicide ou une naissance hors mariage étaient honteux il y a deux générations. Faute d’avoir été expliqués, mis en lumière, ces traumatismes constituent des énergies qui se transmettent aux générations suivantes sous forme de croyances, de schémas émotionnels.
Ils génèrent des répétitions de l’évènement d’origine en le distordant au fil du temps. Il devient difficile, trois ou quatre générations après, d’identifier le lien entre ce qu’on vit aujourd’hui et l’histoire de notre lignée.
Sans dévoiler les détails de l’histoire, on découvre un premier mariage forcé qui sera répété à la génération suivante, mais auquel vient s’ajouter un inceste « moral ». Les jeunes mariés ressentent un lien gémellaire car ils ont le même âge et ont été élevés comme frère et sœur. Ce qui constitue un traumatisme pour la jeune épouse, c’est le sentiment d’inceste avec son « jumeau ». Il faut éliminer les jumeaux. À la troisième génération, des jumeaux naissent (garçon et fille) et meurent.

Quelles sont les méthodes ou les clés pratiques proposées dans le livre pour permettre aux lecteurs de comprendre et de se libérer de leur héritage transgénérationnel ?

À la fin du roman, un dernier chapitre offre de nombreuses clés d’analyse des blessures émotionnelles et une bibliographie. J’ai confiance dans la capacité de chacun à trouver son propre chemin.
C’est parfois douloureux mais absolument passionnant de se lancer dans une exploration à la Indiana Jones, à la recherche du grand mystère de ses origines avec ses énigmes, ses combats, ses reliques, ses ancrages dans la géopolitique.

Comment espérez-vous que 'Danse avec les vivants' aidera les lecteurs à se confronter à leur passé et à trouver une voie vers une existence plus authentique et libérée ?

Danse avec les vivants n’entre dans aucune case, ne nourrit pas d’idéal littéraire mais une ambition humaine, offrir un modèle pour cheminer, donner au lecteur l’envie (EN-VIE) de fouiller loin dans ses racines pour ouvrir ses ailes en grand.
J’observe que beaucoup de personnes tentent diverses méthodes pour se libérer des blessures héritées mais que le soulagement n’est que provisoire. J’ai acquis la conviction que seul un travail en profondeur sur nos racines permet une amélioration durable.
Ensuite, le processus doit passer par le corps, et pour cela, la voix est un outil vibratoire puissant. Il peut s’agir de l’échange avec un thérapeute, dans un groupe de parole, mais aussi de lire à voix haute ce qu’on a préalablement écrit.

Pour en savoir plus : http://www.amelielouis.com/